samedi 15 septembre 2018

Retour sur Saint-Symphorien

En complément de l'article paru dans Ferrovissime n° 94, Gilles Germain a entrepris de nouvelles recherches dont il nous livre les résultats.



Avant d’être un vieillard dont la vie rétrécie puis qu’on achève, le réseau des Chemins de fer économiques de la Gironde, rebaptisé Cfta Gironde à 70 ans passés, fut une véritable fourmilière du Nord au Sud du département. 
Saint-Symphorien fut le point de départ de la structuration de ce système qui a compté plus de 300 km de lignes. Et les bâtiments sauvegardés sur ce site sont essentiels pour apprécier ce que fut l’activité.   
Si l’histoire des Cfta-Gironde est plutôt mal connue c’est qu’à la fermeture, en 1978, deux ou trois personnes se sont emparés des archives contemporaines de la rue de la Devise, à Bordeaux, et les ont occultées.
En conséquence il est quasi impossible de parler, documents d’époque à l’appui, du quotidien du réseau, avant et après la guerre : effectifs, nombre de voyageurs, tonnages transportés, organisation précise de l’entreprise…
Pourtant il s’est agit d’une période assez prospère au cours de laquelle le chemin de fer d’intérêt local a fortement accompagné l’économie forestière florissante.
J’ai eu la chance de rencontrer quelques Paroupians (ça ne s’invente pas, c’est le nom des habitants de Saint-Symphorien) cheminots retraités et voisins de la gare, aujourd’hui âgés, qui m’ont transmis quelques souvenirs et photos.
Ces données abondent les éléments que j’ai pu collecter le long des voies entre 1965 et 1978.
Les documents joints nous éclairent un peu sur la période 1935 – 1965.
Le plan du site appelle les commentaires suivants, du sud au nord, sans revenir beaucoup sur le dépôt, qui a fait l’objet de l’article de juillet 2018 dans Ferrovissime. 



0- Le plan. Je suis reparti de celui qui figure dans l’article de juillet, en adaptant le périmètre et le contenu au propos du moment. Ce n’est pas un levé de géomètre et il reste incomplet puisque je n’ai pas réussi à dessiner les deux plaques du dépôt, quasi siamoises. Ceci étant, il respecte les proportions du site.







1 - Distillerie la Térébenthine Française (images 1à4). Raccordée au réseau par un embranchement particulier de 60 mètres, à l’extrême S-W du site de la  gare, elle donne sur l’avenue des Mûriers. Fondée en 1860 elle a connu plusieurs dirigeants. Sa relative célébrité tient à son propriétaire, René Poudenx qui entreprend, de 1940 à 1960, en lien avec l’Institut du Pin (Université de Bordeaux) des recherches visant à développer de nouvelles formes de production de la térébenthine. Les équipements techniques sont très importants : la fosse à résine est d’une contenance de 100 mètres cubes. La fin des l’activité remonte à 1966. Aujourd’hui subsiste une bonne part des installations, toutes proches des ateliers ex Cfta.







2-  La grande remise en bois (n°3 du plan), de 34 m  de long, était affectée à l’atelier menuiserie du dépôt. Elle a servi pendant des décennies à l’entretien des wagons. Bien que ne comportant pas un intérêt historique manifeste, elle a été sauvée de la destruction après 1978 et, rénovée, elle abrite maintenant des activités associatives locales (images5&6)



3- La Société Labat : Ginette Labat, a succédé en 1970 à ses parents, propriétaires de la scierie embranchée. Plusieurs wagons partaient de l'entreprise chaque semaine, chargés de planches, qui constituaient le produit principal de l’usine. Les activités de la scierie se sont poursuivies jusqu’en 1988, 10 ans après la fermeture du chemin de fer. L’entreprise a longtemps disposé, comme la plupart des scieurs d’une scierie portative, que l’on déplaçait au gré des coupes. (image7)




4- La voie de chargement, commune à diverses entreprises de sciage, non embranchées. Le bois, sous toutes ses formes (billes, planches, poteaux de mines…), arrivait sur des charrettes tirées par des mules pour être embarqué sur les wagons du réseau. Cette voie aurait disparu fin 1956. (image8_scierie portative et 9)



5- La cour de la gare : on désigne ainsi l’espace compris entre la voirie communale et le bâtiment de la gare. En général, en ville, cela prend la forme d’un parking ou d’un terminus de bus. Ici, le trafic voyageurs n’a jamais été l’activité dominante. Les autorails vers Villandraut et au-delà disparaissent en 1950. Ceux vers Sore et Luxey en 1954. La liaison vers Facture sera supprimée dès 1955.                                                                                      Les marchandises ont donc la part belle dans la cour de la gare, qui est plutôt ici une cour de débord.                                                                                  Les quantités de matériaux à manipuler étaient telles qu’elles ont justifié l’implantation de voies Decauville, représentées schématiquement en vert (écartement de 0,60 ou 0,70m ?). Il s'agissait sans doute d'une concession temporaire sur le domaine public ferroviaire.                                                 La société Duluc, avec ses deux usines voisines du chemin de fer était très présente sur ce site. Elle a produit des lames de parquet et de lambris, ainsi que des caisses destinées à l’agro-alimentaire : sociétés Raphaël, Byrrh, Astra, Géo… Ces emballages sont imprimés sur place, en fonction de leurs contenants futurs. Divers clichés et cartes postales (image 10) représentent les immenses piles de bois stockées à l’ouest du bâtiment voyageurs et de la halle marchandises.  Les emprises situées au sud-ouest du bâtiment-voyageurs servaient surtout pour le séchage de produits semi finis.  L'espace au N-E du BV était plutôt consacré au stockage et au "pelage" manuel (au hapchot) des billes livrées en gare, avant usinage dans l'un des 2 établissements Duluc.                                                                                     Dès 1959, l’activité est complètement réorientée et consacrée à la production de chaussures. 7 000 paires sont expédiées quotidiennement en 1965.        
     Plusieurs autres scieurs et marchands de bois devaient également détenir des droits d’usage sur la cour de la gare. 
Globalement, au milieu des années 50 la gare expédiait une centaine de wagons par jour !



     Des prisonniers de guerre allemands, dont les derniers ne seront libérés qu’en 1949, ont été employés à des travaux forestiers (chez Duluc, notamment), mais aussi affectés à l’entretien des voies du Chemin de fer (photo 11). Ils venaient du camp de Saint Léger de Balson, commune voisine.



6- En sortie Nord de la gare se  trouve la bifurcation vers Hostens ou Villandraut. La voie se dirigeant sur Hostens et Facture coupe la route départementale. Elle est donc protégée par un passage à niveau, le PN n° 17, aujourd’hui toujours debout et habité par Madame Gardère, ancienne garde barrière des lieux. (image12). Il borde maintenant la voie verte qui occupe les ex emprises ferroviaires.



7- Plus à l’Est, entre l’avenue Jean Jaurès et la ligne vers Villandraut se trouve un groupe d’anciens logements de cheminots construits par les S.E. L’ancien Maire et Conseiller général, André Henriot, habitait là. D’abord mécanicien de locomotives, il avait gravi les échelons, tout en restant syndicaliste et élu local. A son départ en retraite, il dirigeait le dépôt. Les « Moussus » (on désignait ainsi, localement, les propriétaires forestiers et dirigeants d’entreprises locales) avaient baptisé cet ensemble immobilier « le petit Moscou », en référence à l’engagement syndical d’une partie des occupants. Cela reste aujourd’hui comme un souvenir du passé ferroviaire du bourg. (image 13)



8- Et pour finir, les hommes du rail, en gare !
Une belle photo de groupe, avec les enfants de l’homme au chapeau, accoudé sur la loco. Sans doute prise à l’occasion d’un événement familial, vers 1960.
A gauche, le « patron » du dépôt et la secrétaire (image 14)








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