samedi 23 octobre 2021

Deux voies métriques qui survivent !

 





Le 6 avril 2020, j'avais publié sur ce blog le compte-rendu d'une tournée consacrée au souvenir (et aux épaves !) de la traction vapeur sur les anciennes voies métriques portugaises. 

Aujourd'hui, changement d'époque : je vous emmène voir l'ultime voie métrique portugaise reliant Espinho à Aveiro désignée "Linha do Vouga". Longue de 96 km, seulement deux tronçons totalisant 66,6 km, restent en exploitation commerciale. En fait, comme maintes petites lignes françaises, c'est la section centrale de la ligne de la Vouga, probablement peu rentable, qui a vu son trafic supprimé. 

Jusqu'à la dernière décennie du XXe siècle, le Portugal exploitait, dans sa moitié nord, autour de Porto et dans la Vallée du Douro et ses affluents, un grand nombre de voies métriques qui ont été soit fermées, soit reconverties à l'écartement UIC, soit électrifiées et rééquipées en voie large ibérique. 

Ce vaste réseau à voie métrique venait en complément du réseau principal établi en voie large ibérique à l'écartement de 1,668 m, exploité par les CP (Comboios de Portugal). A partir de 1947, les CP ont pris en charge également les voies métriques. Actuellement, CP est opérateur exploitant tandis que le gestionnaire d'infrastructures est l'IPSA (Infraestructuras de Portugal SA). 

Inaugurée en 1908 et forte de 44 gares,  la "Linha do Vouga" offre un tracé sinueux et un profil difficile. Et pour tomber sous le charme de la "Linha", rien de tel que de prendre contact avec elle au terminus du tronçon nord, à Oliveira de Azemeis. Dire que ce modeste terminus peut rappeler ceux de certains secondaires français comme Treignac, sur le P.OC, peut paraître exagéré (quoique, quand on regarde la gare sur la photo ci-dessous...). Car la ville Oliveira de Azemeis, à l'unisson du Portugal tout entier, a accompli une marche forcée vers la modernité pour se caler à l'égalité des pays d'Europe de l'Ouest. Mais si vous tournez le dos à la grande place avec jets d'eau et immeubles modernes du centre ville, vous vous retrouvez face à un adorable BV avec halle accolée présentant de nombreuses analogie avec l'architecture des secondaires français.

Faute de fret et de colis - supprimés ici comme ailleurs - la halle a été modifiée. De même, à l'heure du libre-service, personne en gare :  l'acquisition du billet se fait sur une machine automatique. Une trace du passé : l'autorail ne va pas tarder à arriver et un taxi dépose des voyageurs. Nous sommes en octobre 2021, les photos ont été prises il y a deux semaines. 




Commençons par un petit tour dans la gare. Côté quais, la façade du BV est couverte de tags.


Sur la voie d'évitement, l'autorail de réserve n'a pas été épargné par les taggueurs. Rançon de la non présence cheminote en gare ?



Les installations comprennent un édicule d'aisance (en bon état) et ce qui semble être un ancien foyer de roulant abandonné. La voie en gare est bien entretenue. 





La voie a été conservée du côté du tronçon non exploité afin de permettre des manœuvres de garages et dégarages des autorails. 



Par contre, au-delà du pont-route, la voie existe encore mais n'est plus ballastée. 



Arrivée de l'autorail : il est temps partir à destination du terminus opposé : Espinho-Vouga. Mes amis Thierry Leleu et Bernard Vieu, qui m'avaient communiqué de nombreux éléments pour ce reportage, m'avaient prévenu : au Portugal, les autorails à voie métrique sont couverts de tags. Coup de chance : celui qui est prêt au départ pour Espinho-Vouga est indemne ! 




En ligne, l'état de la voie limite sérieusement la vitesse. 



Très fréquentée par le tourisme, Espinho est une ville située au bord de la mer. Comme de nombreuses cités balnéaires portugaises, de gigantesques travaux de modernisation sont actuellement entrepris sous le signe du béton. Parmi ces travaux, l'œuvre de titan est certainement la mise en souterrain de la grande ligne à voie large ibérique assortie de la construction d'une nouvelle gare. 

La gare de la voie métrique venant de Oliveira de Azemeis se trouve face à l'ancien BV de la voie large dont il ne reste que quatre pans de murs. Cette petite gare offre un aspect peu engageant : BV muré, la toiture de la halle effondrée, deux voies sans grande possibilité de manœuvre, un abri en béton pour les voyageurs et un Algeco pour l'escale des cheminots. 




Les deux voies à l'écartement métrique se terminent pas un heurtoir. Rien ne s'oppose à prolonger ses voies en direction de la future gare comme cela a été fait à Aveiro. L'état des finances permettra-t-il la réalisation de cette indispensable connexion ? 

Il est vrai que les Portugais ne font pas les choses à moitié ! Un exemple parfait est fourni par la gare d'Aveiro, origine du tronçon sud de la "Linha do Vouga". Aveiro est une grande ville portuaire et la construction d'une nouvelle gare est certainement mieux "passée" auprès des décideurs. 

Visitons l'établissement. Voici l'autorail en provenance de Sernada do Vouga qui arrive (sous la pluie !)  à Aveiro.


Dans cette gare importante, les voies 8 et 9 sont réservés à la voie métrique. Quais hauts et mobiliers modernes : on se croirait dans une station de RER !  Ce qu'est, au moins en partie, la ligne de Sernada do Vouga lorsqu'on observe les passagers de l'autorail à l'heure de la sortie des bureaux. 



Il y a aussi des voyageurs en correspondances. A cette heure de pointe, automotrices régionales, autorails à voie large et trains à grande vitesse se succèdent. 





La sortie place de la gare permet de comprendre l'organisation de l'établissement. Guichets et bureau de la gare actuelle sont souterrains et donnent, de chaque côté du faisceau de voies, sur de grands halls modernes en béton. L'ancien BV, magnifique bâtisse (classée?) décorée d'azuleijos (sortes de mosaïques bleues) chers à la culture portugaise, est préservé et intégré dans l'ensemble moderne (une disposition souvent vue au Portugal !). 


Aujourd'hui, cet ancien BV est devenu un musée qui ne doit rien au chemin de fer. Mais côté quai, tout y est soigneusement préservé. 



Bien sûr, il faut parler du matériel roulant. Limité, pour l'essentiel, à une série d'autorails modernes. Car même les autorails 9601 à 9622, livrés en 1976 par Alsthom aux lendemains de la Révolution des œillets pour remplacer les vieux trains vapeur ont terminé leur carrière portugaise, revendus à l'Argentine et au Cameroun. Il ne reste donc plus que les sept engins les plus récents pour desservir la "Linha do Vouga". 

Formant la série 9631 à 9637, ces autorails avaient été construits en 1991 au Portugal par Sorefame en vue de moderniser le métro régional de Porto. Celui-ci ayant finalement été intégralement reconstruit en utilisant la voie normale de 1435 mm, les 9631 à 9637 se sont trouvés disponibles pour équiper la "Linha do Vouga" . Ce sont des autorails doubles formant une rame de 38,55 m. 

Munis d'une transmission électrique, le bruit de leur moteur diesel Saurer SDHR monté sous le plancher rappelle bien des souvenirs à un ferroviphile français en évoquant celui de nos anciennes "Caravelles".  

Ces engins semblent bien adaptés à la desserte des deux tronçons de ligne. Mais pour combien d'années ?



Car l'avenir de la ligne de la Vouga reste incertain, malgré les services rendus pour les dessertes du quotidien. Et malgré le réel potentiel touristique qui existe - et pas seulement l'été, le Portugal étant aussi un pays de villégiature hivernal pour maints Européens ! L'opérateur CP en est conscient puisque, malgré la crise du COVID, le "Train historique de Vouga" a été mis en marche en 2021, entre Aveiro et Macinhata do Vouga - où se trouve un musée des chemins de fer. D'abord avec quatre circulations vapeur au mois de mai. Puis, afin de prévenir tous risques d'incendies, la rame historique, composée de cinq voitures à plateformes ouvertes, a été prise en charge par une locomotive diesel ancienne. Gageons que cette rame historique, au moins, sera préservée. 

Texte et photos : Jehan-Hubert Lavie



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