mardi 7 février 2012

Les 2D2 5400 étaient des monstres fascinants













Enfants, mon frère et moi, avions la chance de pouvoir passer une bonne partie de nos vacances dans la propriété d’une de nos grande- tantes près de Bélligné en Loire-Inférieure (ndlr - actuel département 44), dans la campagne angevine, sur la route Varades-Candé. La gare la plus proche était celle d’Ingrandes où on venait nous chercher en 4CV. Cette gare était desservie par les omnibus Autorails le Mans-Nantes.
Nous avions 10/12 ans et à cette époque – c’était la fin des années 1950/début des années 1960 – nos parents ne craignaient pas de nous laisser voyager seuls.
Habitant le Chesnay, nous prenions en gare de Versailles-Chantier un train vers 7h, si je me souviens bien, (c’était tôt le matin pour des jours de vacances !) qui nous emmenait au Mans. Compte tenu de la rampe dans le sens Paris-Versailles, j’apprenais plus tard que tous les trains vers la Bretagne ne s’arrêtaient pas à Versailles et comprenais donc pourquoi on nous répétait avec insistance qu’il ne fallait surtout pas « rater » le train convenu ! Ce train était tracté par une 2D2 5400 que la couverture de Ferrovissime n°45 m’a remise en mémoire immédiatement.
Au Mans, nous prenions, après une assez longue attente en gare, « l’omnibus de Nantes », un autorail qui partait dans les 11h après être resté à quai suffisamment longtemps pour devenir, en juillet, une étuve. On s’arrêtait à toutes les gares et je me rappelle une de celles précédant Ingrandes - la Possonnière - qui me faisait me demander pourquoi on avait oublié un i sur les pancartes…
La longue attente en gare du Mans était pour moi un moment que j’attendais et que j’appréciais. Je filais en tête de quai côté Bretagne et j’entrais, en contemplation, en admiration devant la locomotive à vapeur qui se trouvait toujours là sur le quai d’en face, en attente de départ vers une ville de la côte probablement. La taille des machines – des  241P – me tétanisait et j’ai encore en tête tous les bruits, les odeurs, la chaleur qui en émanaient en particulier l’entrée d’eau par l’injecteur. J’étais en effet côté droit de la machine.
Une année, tellement plongé dans mes contemplations, j’ai laissé passer l’heure de départ de notre omnibus… Un peu paniqués et sur les conseils de personnes qui se trouvaient là et qui avaient sans doute compris que nous allions à Nantes, nous montons dans un train….
Inquiet je regarde défiler des gares où on ne s’arrêtait pas….enfin arrêt à Nantes…. Mon inquiétude se transforme en désespoir…..
Intrigués par ces deux jeunes garçons en pleurs, quelqu’un nous met en rapport avec le contrôleur dont je me souviendrai tout ma vie du matricule : le 3147 de Nantes. Cet homme nous a calmés, rassurés, emmenés avec lui jusqu’au terminus de ce train, Le Croisic. De là il a appelé notre tante pour lui dire qu’il nous remettrait au train de retour du soir s’arrêtant à Angers. Nos parents ont ainsi pu être aussi rassurés. La police n’avait pas été alertée…
C’est ainsi que nous avons visité en compagnie de cet homme chaleureux l’église du Croisic, vu l’ancre marine en monument et mangé avec lui des sardines qu’il avait fait griller dans la cuisine du dépôt ou de l’annexe traction.
Le soir, on nous attendait à Angers…..en râlant un peu car c’était plus loin qu’Ingrandes ! « Qu’avais-tu besoin de t’éloigner ainsi ?... » Les adultes ont du mal à comprendre la fascination qu’exercent les monstres sur les enfants.
Mes parents et moi sommes restés en lien avec cet homme pendant plusieurs années ne manquant pas de lui envoyer à Noël des chocolats de chez un célèbre pâtissier de la rue de la Paroisse à Versailles… Puis la vie a fait que les correspondances se sont arrêtées….
C’était une autre époque où les relations humaines dans la vie courante étaient plus simples peut-être, plus chaleureuses en tout cas On ne parlait pas encore de principe de précaution, de cellule psychologique…
Si, parmi les lecteurs de Ferrovissime, se trouvaient cet homme, ses enfants, ou quelqu’un qui l’ait connu, je serais très heureux d’avoir de ses nouvelles, de savoir ce qu’il est devenu…. Il restera pour moi une belle figure de cheminot.
Puissent le chemin de fer et ses agents avoir conservé ce sens du service et de la qualité des relations avec ceux qui se font une joie et leur font l’honneur de l’utiliser pour leurs voyages…
Eric Mussat
15 rue du château d’eau
69360 COMMUNAY

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