Enfants, mon frère et moi, avions la chance de pouvoir passer une bonne partie de nos vacances dans la propriété d’une de nos grande- tantes près de Bélligné en Loire-Inférieure (ndlr - actuel département 44), dans la campagne angevine, sur la route Varades-Candé. La gare la plus proche était celle d’Ingrandes où on venait nous chercher en 4CV. Cette gare était desservie par les omnibus Autorails le Mans-Nantes.
Nous avions 10/12 ans
et à cette époque – c’était la fin des années 1950/début des
années 1960 – nos parents ne craignaient pas de nous laisser voyager
seuls.
Habitant le Chesnay,
nous prenions en gare de Versailles-Chantier un train vers 7h, si je
me souviens bien, (c’était tôt le matin pour des jours de
vacances !) qui nous emmenait au Mans. Compte tenu de la rampe
dans le sens Paris-Versailles, j’apprenais plus tard que tous les
trains vers la Bretagne ne s’arrêtaient pas à Versailles et
comprenais donc pourquoi on nous répétait avec insistance qu’il
ne fallait surtout pas « rater » le train convenu !
Ce train était tracté par une 2D2 5400 que la couverture de Ferrovissime
n°45 m’a remise en mémoire immédiatement.
Au Mans, nous
prenions, après une assez longue attente en gare, « l’omnibus
de Nantes », un autorail qui partait dans les 11h après être
resté à quai suffisamment longtemps pour devenir, en juillet, une
étuve. On s’arrêtait à toutes les gares et je me rappelle une de
celles précédant Ingrandes - la Possonnière - qui me faisait me
demander pourquoi on avait oublié un i sur les pancartes…
La longue attente en
gare du Mans était pour moi un moment que j’attendais et que
j’appréciais. Je filais en tête de quai côté Bretagne et
j’entrais, en contemplation, en admiration devant la locomotive à
vapeur qui se trouvait toujours là sur le quai d’en face, en
attente de départ vers une ville de la côte probablement. La taille
des machines – des 241P – me tétanisait et j’ai encore
en tête tous les bruits, les odeurs, la chaleur qui en émanaient en
particulier l’entrée d’eau par l’injecteur. J’étais en
effet côté droit de la machine.
Une année, tellement
plongé dans mes contemplations, j’ai laissé passer l’heure de
départ de notre omnibus… Un peu paniqués et sur les conseils de
personnes qui se trouvaient là et qui avaient sans doute compris que
nous allions à Nantes, nous montons dans un train….
Inquiet je regarde
défiler des gares où on ne s’arrêtait pas….enfin arrêt à
Nantes…. Mon inquiétude se transforme en désespoir…..
Intrigués par ces
deux jeunes garçons en pleurs, quelqu’un nous met en rapport avec
le contrôleur dont je me souviendrai tout ma vie du matricule :
le 3147 de Nantes. Cet homme nous a calmés, rassurés,
emmenés avec lui jusqu’au terminus de ce train, Le Croisic. De là
il a appelé notre tante pour lui dire qu’il nous remettrait au
train de retour du soir s’arrêtant à Angers. Nos parents ont
ainsi pu être aussi rassurés. La police n’avait pas été
alertée…
C’est ainsi que nous
avons visité en compagnie de cet homme chaleureux l’église du
Croisic, vu l’ancre marine en monument et mangé avec lui des
sardines qu’il avait fait griller dans la cuisine du dépôt ou de
l’annexe traction.
Le soir, on nous
attendait à Angers…..en râlant un peu car c’était plus loin
qu’Ingrandes ! « Qu’avais-tu besoin de t’éloigner
ainsi ?... » Les adultes ont du mal à comprendre la
fascination qu’exercent les monstres sur les enfants.
Mes parents et moi
sommes restés en lien avec cet homme pendant plusieurs années ne
manquant pas de lui envoyer à Noël des chocolats de chez un célèbre
pâtissier de la rue de la Paroisse à Versailles… Puis la vie a
fait que les correspondances se sont arrêtées….
C’était une autre
époque où les relations humaines dans la vie courante étaient plus
simples peut-être, plus chaleureuses en tout cas On ne parlait pas
encore de principe de précaution, de cellule psychologique…
Si, parmi les lecteurs de Ferrovissime, se trouvaient cet homme, ses enfants, ou quelqu’un qui l’ait
connu, je serais très heureux d’avoir de ses nouvelles, de savoir
ce qu’il est devenu…. Il restera pour moi une belle figure de
cheminot.
Puissent le chemin de
fer et ses agents avoir conservé ce sens du service et de la qualité
des relations avec ceux qui se font une joie et leur font l’honneur
de l’utiliser pour leurs voyages…
Eric Mussat
15 rue du château
d’eau
69360 COMMUNAY
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